Alors que l’alerte lancée par l’OMS, l’UNICEF et le PMNCH en mai dernier à l’issue de la conférence de Johannesburg identifie la prématurité comme la 1ère cause mondiale de mortalité infantile.
Alors que la mortalité infantile augmente en France et que près de 1300 décès d’enfants de moins d’un an pourraient être évités si la France parvenait à réduire les taux de mortalité infantile à des niveaux comparables à ceux de la Suède et de la Finlande.
La France reste étonnamment passive.
Le rapport parlementaire rendu en décembre par les députés Bergantz et Juvin sur les causes de la mortalité infantile en France concluait notamment à une multiplicité de facteurs concourant à cette hausse, principalement liés à l’organisation et la qualité des soins ainsi que la hausse de la prématurité extrême et ses conséquences. Étonnamment, il n’était pas fait référence au rôle des expositions environnementales dans la survenue de la prématurité et donc par voie de conséquence sur la mortalité infantile.
Une nouvelle étude publiée le 7 février 2024 dans la revue The Lancet Planetary Health donne une estimation édifiante du poids de l’exposition aux phtalates dans la survenue de naissances prématurées, et parvient pour la première fois à chiffrer les coûts sociaux et médicaux que représentent les naissances prématurées qui seraient la conséquence d’une exposition aux phtalates. [1]
L’étude menée aux États-Unis à partir des cohortes du programme ECHO (Environmental influences on Child Health Outcomes) a porté sur 5006 paires mères-enfants avec une mesure de l’imprégnation à 20 métabolites de phtalates au cours de leur grossesse, associée à des données sur l’âge gestationnel, le poids et la taille de l’enfant à la naissance.
Le principal résultat est que les 10% de femmes ayant le taux le plus élevé de phtalates ont un risque accru d’accouchement prématuré de 50% par rapport aux 10% des femmes les moins contaminées.
En extrapolant ces résultats à l’ensemble des naissances prématurées aux États-Unis, il s’avère qu’entre 5 et 10% des naissances prématurées (soit près de 56.600 naissances en 2018), pourraient résulter d’une exposition aux phtalates durant la grossesse.
En parallèle les auteurs ont pu estimer les coûts médicaux et sociaux que représentent ces naissances prématurées associées aux phtalates, qui se situent autour de 3,84 milliards de dollars.
Plus inquiétant, cette étude met en évidence l’impact encore plus importants des substituants au DEHP qui appartiennent à la même famille de phtalates, qui ont été utilisés depuis 2010 aux États-Unis et à partir de 2005 en Europe.
Pour l’auteur principal de l’étude le Dr Leonardo Trasande, du centre médical Langone de l’Université de New York plus des trois quarts de l’exposition aux phtalates provient de plastiques. Mais « les producteurs de plastique ne paient pas pour les effets sur la santé, ils ne s’occupent pas de ces bébés prématurés ».
Ces résultats viennent conforter encore une fois ce que de nombreux travaux pointent depuis des années. La contamination aux phtalates, utilisés largement dans les plastiques et les cosmétiques pour leur capacité à assouplir les plastiques et à fixer les parfums, a des effets néfastes sur la santé des personnes et des enfants à naître. Prématurité, mais aussi asthme ou infertilité entre autres pathologies, sont associées à ces perturbateurs endocriniens et leurs impacts sanitaires pourraient être largement réduits si l’exposition aux phtalates était drastiquement réduite. [2] [3] [4]
Ces polluants sont omniprésents dans les produits et matériaux du quotidien (plastiques, matériaux en PVC, cosmétiques, alimentation ultra-transformée…). Heureusement ils sont éliminés quotidiennement par l’organisme humain. Il est donc possible et urgent de réduire de façon drastique notre contamination, en commençant prioritairement par celle des femmes enceintes et des enfants. Le RES a fait à plusieurs reprises la démonstration au travers des opérations Zéro Phtalates menées conjointement avec de nombreuses collectivités et institutions publiques sur le territoire français.
Il est urgent qu’une politique de santé ambitieuse puisse s’attaquer à ce problème silencieux : via une information générale sur les risques liés à l’exposition à destination des couples attendant un enfant.
Les opérations « Ordonnance Verte » comme celle menée avec succès à Strasbourg liant distribution de paniers bio à la sensibilisation aux risques liés aux phtalates constituent un des leviers à généraliser sur l’ensemble du territoire français.
En conséquence, le Réseau Environnement Santé réitère sa demande d’une mission flash sur « Prématurité et Perturbateurs Endocriniens » en complément de celle qui vient d’être rendue publique, ainsi que l’interdiction rapide de toute la famille des phtalates dans les produits d’usage courant et les matériaux de construction.Il est par ailleurs tout aussi urgent de plaider pour une interdiction des familles chimiques de perturbateurs endocriniens et que ces interdictions ne reposent pas simplement sur des entités chimiques isolées. Le RES demande en conséquence que la réforme de la réglementation REACH soit remise à l’ordre du jour de l’agenda européen dans les plus brefs délais.
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[1] Trasande L, E Nelson M, Alshawabkeh A, S Barrett E, P Buckley J, Dabelea D, et al. Prenatal phthalate exposure and adverse birth outcomes in the USA: a prospective analysis of births and estimates of attributable burden and costs. The Lancet Planetary Health. 2024 February. https://doi.org/10.1016/S2542-5196(23)00270-X.
[2] Kahn LG, Philippat C, Nakayama SF, Slama R, Trasande L. Endocrine-disrupting chemicals: implications for human health. Lancet Diabetes Endocrinol. 2020 Aug;8(8):703-718. doi: 10.1016/S2213-8587(20)30129-7.
[3] Welch BM, et al. (2022) Associations Between Prenatal Urinary Biomarkers of Phthalate Exposure and Preterm Birth: A Pooled Study of 16 US Cohorts. JAMA Pediatr.;176(9):895–905. https://doi.org/10.1001/jamapediatrics.2022.2252.
[4] Chen Y, Xiao H, Namat A, Liu J, Ruan F, Xu S, Li R, Xia W. (2022). Association between trimester-specific exposure to thirteen endocrine disrupting chemicals and preterm birth: Comparison of three statistical models. The Science of the total environment, 851(Pt 2), 158236. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2022.158236.